L'Église catholique allemande punit ses mauvais payeurs
Par Patrick Saint-Paul
La cathédrale de Fribourg, dont l'évêché a porté plainte contre un professeur mauvais payeur qui fréquentait encore l'église. Crédits photo : © Arnd Wiegmann /
Désormais, seuls les contribuables qui s'acquittent de l'impôt sur le culte auront droit de recevoir les sacrements de l'Église.
Il n'y aura pas d'absolution pour les mauvais payeurs de l'Église catholique allemande. La confirmation par la justice d'un décret de la Conférence des évêques allemands entré en vigueur le 24 septembre a provoqué un petit séisme dans la communauté des croyants outre-Rhin: seuls les contribuables s'acquittant rubis sur l'ongle de leur impôt sur le culte ont désormais le droit d'appartenir à l'Église et de recevoir ses sacrements. Les évêques allemands espèrent ainsi enrayer la vague de sorties de l'Église provoquée par les scandales pédophiles.
Les mauvais payeurs ne seront pas automatiquement excommuniés. Mais ils n'appartiennent plus à la communauté catholique allemande dès lors qu'ils ont entrepris la démarche de «quitter l'Église». Depuis 1990, quelque 100.000 fidèles sortent chaque année de l'Église catholique pour ne plus avoir à payer l'impôt sur le culte, obligatoire dès lors que l'on déclare appartenir à une religion outre-Rhin. Celui-ci s'élève à 8 à 10 % des revenus, selon les Länder.
Or, dans la patrie de l'actuel pape Benoît XVI et de Luther, qui compte un tiers de catholiques et la même proportion de protestants, de plus en plus d'Allemands tournent le dos à l'Église, depuis le début de la vague de révélations sur les scandales pédophiles au sein des institutions catholiques en janvier 2009. En 2011, 126.488 fidèles ont ainsi claqué la porte.
Protestations de tous bords
Selon le nouveau décret, les catholiques qui renieront leur religion auprès du fisc allemand se verront désormais contactés par leur prêtre. Et celui-ci leur expliquera les conséquences de leur acte, qui n'est pas sans incidence pour le salut de leur âme. Toute personne sortie de l'Église ne peut pas recevoir les «sacrements de la confession, l'eucharistie, la confirmation et l'onction des malades - sauf en cas de danger de mort», et ne peut pas être parrain d'un enfant. «Si le fidèle veut se marier religieusement, il doit demander la permission des autorités religieuses locales. À condition qu'il promette de conserver la foi et d'éduquer ses enfants religieusement, dans la foi catholique», précisent les évêques. Et «s'il n'a manifesté aucun regret avant sa mort, l'enterrement religieux peut être refusé», ajoutent-ils.
Mercredi, le tribunal administratif de Leipzig a confirmé la légalité du décret des évêques allemands. L'évêché de Fribourg avait porté plainte après qu'un professeur de droit canon, Hartmut Zapp, eut révélé refuser de payer l'impôt, tout en continuant à faire partie des catholiques. Le tribunal a confirmé que l'Église peut aussi interdire aux mauvais payeurs de travailler pour elle. La décision de l'épiscopat allemand, qui se voit accusé d'avidité, a soulevé une vague de protestation de tous bords.
«C'est un mauvais décret qui arrive au mauvais moment», écrit le mouvement catholique progressiste «Wir sind Kirche» («nous sommes l'Église»), dans un communiqué. «Au lieu de s'attaquer aux raisons des “sorties de l'Église” en grand nombre, ce décret des évêques est une menace envers le peuple de l'Église, et ne va pas motiver les gens à rester fidèles ou adhérer à la communauté de ceux qui s'acquittent de leur impôt», écrit-il. Le quotidien conservateur Die Weltprévient de son côté: «Les évêques allemands doivent avoir conscience qu'ils prennent un grand risque. Le risque de passer pour impitoyables et intransigeants, toujours prompts à punir et avides.»
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