Asile : la réforme de la dernière chance
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Par Jean-Marc Leclerc Publié le 26/11/2014 à 06:00
À Calais, en octobre dernier, des migrants font la queue pour une distribution de vêtements.
Le projet de loi Cazeneuve veut changer un système qui s'est mué en machine à fabriquer des clandestins.
Sauver un système «à bout de souffle». Sur le papier, le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, examiné dès mardi en commission des lois à l'Assemblée, ne manque pas d'ambition. Ce texte est dicté par l'urgence et par les nécessités légales. Il s'agit avant tout d'une transposition en droit français de deux directives européennes qui devaient être prises en compte avant juillet 2015.
D'aides diverses en nuits d'hôtel pour les demandeurs, le coût de la gestion de l'asile a triplé depuis 2007: plus de 650 millions d'euros par an en 2014, auxquels il faut ajouter les coûts médicaux de ces populations souvent fragilisées. Le chiffre effarant d'un milliard d'euros dépensés annuellement est évoqué pour cette seule frange de la population étrangère, composée de milliers de Syriens, de Libyens, d'Érythréens, d'Albanais.
Depuis janvier 2014, 100.000 migrants sont passés d'Italie en France. Beaucoup se retrouvent piégés à
Calais, zone tampon saturée par des illégaux qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne. Car tous ne veulent pas rester dans l'Hexagone. L'Allemagne et la Suède sont les premières destinations. Près de 190.000 demandeurs d'asile se seront ainsi manifestés en Allemagne et 80.000 en Suède, contre près de 70.000 en France cette année.
Problème: même si la France n'accepte en moyenne qu'un demandeur d'asile sur cinq, l'immense majorité des déboutés demeure sur le territoire. Plus 40.000 par an donc, souvent des familles, dont beaucoup restent logées dans les centres d'hébergement d'urgence, au détriment des nouveaux arrivants qui pourraient prétendre en nombre à la protection réclamée.
Avec sa loi, Bernard Cazeneuve se fait fort de remettre un peu de bon sens et de justice dans la gestion de cette politique généreuse née de la Convention de Genève en 1951.
Le ministre de l'Intérieur le reconnaît: le système a été «perverti au fil de ces dernières années». Il dénonce les «demandes abusives», les «inégalités de traitement entre demandeurs», «des détournements de la procédure d'asile à des fins migratoires».
Pour raccourcir les délais d'instruction des demandes (du temps qui vaut de l'argent: 870 euros par mois et par personne en moyenne), des procédures accélérées seront mises en place.
Pour un ressortissant de pays dit «sûr» («non dangereux»), une procédure simple devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) prendra cinq semaines au lieu de cinq mois. En comptant les délais de première instance à l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le délai global de traitement pourrait être ramené de deux ans de procédure à neuf mois, et même trois mois au total pour la procédure accélérée. Si tout se passe comme prévu…
L'hébergement des demandeurs va obéir à un «schéma national» par région. Pour mettre fin à une concentration, alimentée par des filières, sur certains points du territoire (40 % en Ile-de-France et 12 % en Rhône-Alpes actuellement). Et si le demandeur refuse le centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada) qui lui est désigné, il pourrait perdre ses aides d'État. C'est ce qui est promis en théorie, car le débat au Parlement n'a pas commencé et la gauche de la gauche aura son mot à dire.
Réaliste, le projet Cazeneuve? Encore faut-il être en mesure d'accueillir ceux des demandeurs qui le méritent. Or sur 47.000 places en hébergement d'urgence, 22.000 sont des nuits d'hôtel. A-t-on d'autres solutions, sauf à mettre les gens à la rue?
Le député UMP Éric Ciotti le déplore: «Les déboutés qui continuent d'être hébergés sont parfois mieux traités que les personnes ayant obtenu le statut de réfugiés.» À l'entendre, la réforme Cazeneuve ne changera pas grand-chose. L'État n'a plus les moyens.